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« CE QUE M’ONT DIT LES AGENTS DE LA NSA » PAR JEAN-PAUL NEY

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« NOUS SOMMES EN GUERRE MÊME CONTRE VOUS, ET ÇA, VOUS AVEZ DU MAL À COMPRENDRE »

 

Bien avant les révélations de Snowden sur PRISM, il y a plus de treize ans, notre rédacteur en chef, Jean-Paul Ney, effectuait un voyage d’études sur le renseignement aux États-Unis. Des entretiens et et des visites prolifiques: Agents fédéraux, militaires et surtout des ingénieurs de la NSA, l’agence de sécurité nationale américaine, des entretiens officiels, d’autres plus officieux. Fin février 2000, il rentre à Paris avec une documentation conséquente, un premier article est publié par VSD, puis il s’attaque à un ouvrage qui sera publié en 2005 aux éditions du Cherche Midi: Souriez on vous espionne. Cette semaine, dans une série d’articles publiés sur InfosDéfense, il reprend ses notes qu’il n’a jamais publié, le « OFF » devient « ON », treize ans après, Jean-Paul Ney fait partie de ceux qui n’accusent pas, mais qui analysent avec une pertinence géopolitique et non-partisane. 

Nous sommes en 1994 et la France vient de conclure un accord de vente de quarante quatre Airbus. Un avion affrété par le gouvernement français file droit vers l’Arabie Saoudite, à l’intérieur, des hommes clefs du gouvernement ainsi que quelques pontes de la firme Airbus, mais surtout Edouard Balladur, très confiant de signer un juteux contrat. Quelques personnes triées sur le volet sont au courant d’une telle transaction, et pour cause : La commande que doit signer l’Arabie Saoudite se monte à 30 milliards de francs, un contrat historique… Le secret est donc bien gardé et il ne reste que quelques poignées de mains et de visites et des signatures pour que la vente soit validée.

“En Dieu nous croyons, tous les autres nous écoutons” Mot d’ordre des opérateurs d’interception de la NSA dans les années 1970

Un contrat qui ne sera jamais signé, un contrat qui repartira dans cet avion et ce, aussi vierge de signature qu’il en est venu. En effet, au dernier moment les autorités de Riyad ont décliné l’offre de la France, sans aucune autre explication. Edouard Balladur est prié de remonter dans l’avion. Quelques temps après, la raison de cette annulation devient officielle : Le contrat vient de passer chez Boeing qui a révisé son offre à la baisse au dernier moment . Comment Boeing aurait eu connaissance d’un tel accord ? Qui aurait fait bénéficier Boeing de cette information ? Qui aurait eu accès au secret et comment ? Mais surtout quelle en est la raison principale ? Chez Airbus deux personnes étaient au courant de cet accord, aucune fuite possible.

C’est alors le branle-bas de combat à Matignon et à l’Elysée. La DST est convoquée pour une réunion de crise. L’affaire éclate au grand jour et la presse -tout en pointant le doigt sur la très puissance NSA- avance un seul mon : Echelon. Ce fait bien « réel » n’a pas eu cependant l’effet qu’il aurait du produire. Bien au contraire, il reste à ce jour l’un des nombreux dossiers mystérieux classés dans le dossier Echelon, le système d’interception de données à l’échelle du globe que pilote en silence depuis plus de vingt ans l’agence nationale de sécurité américaine. Au milieu des années 2000, les États-Unis on timidement reconnu l’existence d’un tel système, ses partenaires anglo-saxons (la Grande-Bretagne, la Nouvelle-Zélande et l’Australie) suivent le pas et le puzzle se reconstitue passivement depuis une dizaine d’années maintenant.

La cité du silence
Février 2000, Fort Meade, siège de la NSA, État du Maryland. 26 degrés, un temps magnifique, du jamais vu pour un mois de février dans le Maryland. Fredrick Thomas Martin roule au ralenti. Notre véhicule file le long de la route 32. Une route emplie de mystère qui a été surnommée « la route du silence » (silent road) par les quelques habitants des environs. Et pour cause : Elle longe le gigantesque complexe de l’Agence Nationale de Sécurité américaine, la surpuissante NSA. Une bifurcation à droite se présente à nous, un panneau indique – NSA EMPLOYEES ONLY -. Fredrick prend la bretelle de droite. Les arbres cachent le paysage. Une barrière se présente à nous, des gardes ornés du brassard ‘MP’, la police militaire, contrôlent nos identités : « ce n’est pas le moment de sortir ton appareil photo, ils sont de la police militaire de la NSA. Un jour un gars a voulu faire des photos à quelques mètres de là, il n’a pas eu le temps d’en prendre une seule… » ajoute avec humour Fredrick, notre guide. Fredrick Thomas Martin – ingénieur et ex-numéro 2 d’une cellule informatique de la NSA – affiche un grand sourire: « Tu dois être le seul français, le seul européen, jusqu’ici aucun journaliste étranger n’a pénétré cette enceinte ».

Notre rédacteur en chef Jean-Paul Ney et Fredrick Martin au siège de la NSA (février 2000). Photo (c)R.Clough/NSA

Notre rédacteur en chef Jean-Paul Ney et Fredrick Martin au siège de la NSA (février 2000). Photo (c)R.Clough/NSA

Nous nous enfonçons lentement au cœur de la « cité du silence », l’un de ces nombreux surnoms donnés à l’agence d’espionnage électronique américaine. Ville fantôme, notre voiture roule et les immeubles défilent, pas un chat à l’extérieur. Plus loin, c’est une petite ville où la NSA a loué des dizaines d’immeubles, des bâtiments couleurs briques marqués de gros chiffres blancs : 881, 126, 800 : « Ici dans ces bâtiments, beaucoup de cerveaux travaillent améliorer en permanence la sécurité de nos composants électroniques » nous explique notre guide. Nostalgique, Fredrick montre du doigt l’immeuble qui fut le tout premier centre opérationnel de la NSA en 1960, puis le deuxième bâtiment de 1980, l’immense bloc noir et vitré de plusieurs étages, le centre névralgique. A ses pieds, un gigantesque parking l’entoure sur trois flancs. Des milliers de voitures y sont parquées. Un amas blanc rappelle les récentes chutes de neige. Quelques rares soldats en uniformes circulent, une petite blonde nous sourit : « Là c’est le bâtiment ou nous produisons nos propres microprocesseurs ultra sécurisés, oui, nous fabriquons nous mêmes ce qu’il y a dans nos machines… » ajoute Fredrick.

Je jette un œil dans le rétroviseur, une voiture nous suit depuis notre entrée dans le complexe « la police militaire… » renchérit Fredrick. Puis sans pointer le doigt, il me montre où sont positionnées une des quelque trois cent caméras disséminés autour du Fort Georges G. Meade, en effet, les caméras poussent comme des champignons. Contrôles, et barrières en béton délimitent le Fort, sans doute pour le badaud qui se serait égaré… La cité de ceux « qui servent en silence » semble définitivement imprenable.

L’Internet ‘privé’ du renseignement américain
Quelques jours avant cette impressionnante visite, Fredrick me parle de son ouvrage sur Intelink, le premier intranet durci et sécurisé de la communauté du renseignement américain. Les touts premiers pas d’un réseau qui, en 1994, va compter à l’avenir dans le partage de l’information, le fameux « need to know », les ingénieurs de la communauté du renseignement veulent casser la culture du cloisonnement pour implanter celle du « need to share », le besoin de partager ses informations en toute sécurité. Aujourd’hui, Intelink est le pilier central du partage et de l’exploitation du renseignement, l’année prochaine il va fêter ses 20 ans. A ce propos, nous publions le document de présentation qui résume ce réseau, un document réalisé pour les 15 ans d’Intelink. « En 1994, Steve Schanzer, le patron de l’ISS (Intelligence Systems Secretariat, le bureau des systèmes de renseignement) et son adjoint ont eu une idée, pourquoi ne pas créer un Internet privé ? J’ai été convoqué et j’ai travaillé sur le projet surtout à la CIA, il fallait implémenter Intelink dans leurs systèmes mais surtout dans leurs têtes ! » Un travail que Fredrick va abattre presque sans difficultés, le terrain étant vierge… En 1999, il publie ses travaux dans son livre.

« On vous écoute, et alors ? »
Après avoir laissé Fredrick, je rencontre Ted à quelques pas de la Maison Blanche un agent fédéral, ex-FBI passé à la CIA puis à la NSA, redoutable ingénieur, jeune d’apparence, pas l’air d’un geek, discret. Nous nous asseyons sur un banc, et rapidement, les écureuils viennent près de nous « tu as vu ? ils n’ont pas peur. Regarde celui-ci, il file droit vers les grilles de la Maison Blanche, regarde ! il entre… C’est un peu comme nous, on fabrique des systèmes qu’on va placer un petit peu partout, des trucs minuscules, discrets. Je suis un écureuil, j’ai l’air totalement inoffensif et je passe partout, c’est ça mon job. » Je note sur mon carnet : Ted, écureuil, Maison Blanche, NSA, dispositifs électroniques passifs. Je commence à poser mes questions.

– Qui écoutez-vous ?

Ton pays, la France, l’Allemagne, les institutions, les entreprises…

Les entreprises ? Alors c’est de l’espionnage économique ?

Oui, mais au début ce n’était pas volontaire, on avait des stations disséminées sur le globe et qui nous captaient ce que nos satellites interceptaient. Il faillait trier tout cet amas d’information, ce n’était pas facile, Internet, c’était encore les débuts. Je te parle du milieu des années 80 jusqu’à la fin des années 90. Comme les écouteurs avaient des marqueurs bien précis, des cibles, on jetait le reste. Jusqu’au jour où un type a retranscrit des conversations évoquant des contrats d’armement, il pensait à du terrorisme, ce n’était pas le cas. Le rapport a finit dans les mains d’un analyste de la CIA qui l’a immédiatement transmis au département d’État, il était question d’une vente et de pots-de-vin, une entreprise américaine était en lice pour ce contrat. Comme il y avait triche, le département d’État a exploité ce renseignement et ils ont transmis cette information à ladite entreprise, qui a de son côté contacté le pays en question pour leur faire clairement comprendre que nous savions. Le pays tricheur a été écarté.

– C’était qui ?

La France. Nous sommes en guerre même contre vous, et ça, vous avez du mal à comprendre, c’est une guerre économique, vos espions font de même, voire pire. Nous sommes partenaires politiques, ennemis commerciaux.

– Mais tout le monde fait ça non ?

La corruption ? Oui, c’est une pratique courante, les entreprises américaines aussi, mais franchement, la France et la Russie sont des champions du monde.

– Vous écoutez Internet, les conversations, jusqu’où irez-vous ?

Oui nous écoutons le monde, on vous écoute, et alors ? L’information est une donné vitale, ce sera le cas de plus en plus avec Internet qui se développe, ses services et les téléphones mobiles, ce que nous faisons déjà avec les opérateurs téléphoniques, nous le ferons en masse avec Internet et les téléphones mobiles, ce n’est pas bien compliqué et c’est très facile, que ce soit légal ou illégal, avec ou sans accord d’une juridiction ou d’un opérateur. C’est comme ça, pour des questions de sécurité il ne doit pas y avoir un seul lieu secret où des gens pourraient se retrouver, discuter et planifier des actes criminels contre nos intérêts et celui de nos citoyens dans le monde.

– Internet c’est clairement une menace ? une cible ?

Oui, de plus en plus de gens l’utilisent, y cachent des données, les cryptent. Les pays utilisent le réseau pour communiquer via des tunnels sécurisés, nous pouvons tout écouter, absolument tout, le problème ce n’est pas de placer des dispositifs, de pirater un signal ou de dupliquer une carte SIM, encore moins d’intercepter les communications qui transitent par des satellites de communication, le problème c’est le traitement de ces données. Un jour, tout le monde sera connecté à Internet, dans 10 ou 20 ans, les gens l’utiliseront couramment, on consultera Internet à grande vitesse sur des téléphones portables, ça c’est déjà demain, mais nous, à la NSA, nous devons penser à après demain. C’est dans ce sens que la majorité de ces interceptions sont passées dans des filtres spécialisés. La course à l’interception de toute donnée, nous savons la faire et la gagner, celle du traitement, de l’analyse et de la diffusion en temps réel, c’est autre chose.

…/… Suite dans quelques jours.



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